Saturday, May 10, 2008

13 Mai

La Carcasse


C’est le chaos. J’ai l’œil gauche rouge vif qui s’accouple avec une foutue enflure et un bourgeon purulent; impossible de le garder ouvert. J’essaie de rester concentré de manière à enfin terminer un semblant de nouvelle qui se tienne. Pas évident. Pas d’idée. Pas assez de temps. Rien à faire, tout me dérange. Ça m’emmerde franchement ; j’ai les nerfs. Trop de bruit ou pas assez, je sais plus. La ville sent le touriste à plein nez, le téléphone du voisin sonne toutes les dix minutes, mon immeuble en carton pue et il y a des mouches partout. Si j’avais un job, je m’en accommoderais bien du temps que j’ai pour écrire, de toutes ces petites conneries, mais là, pas de travail, je me sens lâche d’y consacrer ne serait-ce qu’une seconde. Pourtant, je me creuse cent fois plus le crâne que sur n’importe quel job que j’ai pu faire auparavant. Une bougie, un orage, une bouteille de vin. Une nuit où le vent froid irait chercher dans les arbres quelques songes nocturnes… Mais aujourd’hui, il fait chaud. Le soleil est blanc et il fait chaud. Chaud et humide comme dans la chatte de la Vierge Marie. Je me fais chiant et con quand il fait chaud. Je me fais poète à deux balles quand il fait chaud. Je me dis que je dois écrire quelques pages, mais il fait chaud. Trop chaud pour que mon petit cerveau sot et prétentieux soit le moindrement intéressant ou productif. Je boirais bien une bière, mais je suis lâche quand il fait chaud ; lâche et con. En plus, j’ai pas d’argent et je préfère le vin ; le rouge.

Les années passent, la fournaise se ramène, mais mes habitudes, elles, restent. Je commence plein de trucs sans jamais les terminer. Tiens, par exemple, l’année dernière, j’étais censé mettre mon argent de côté pour partir au Mexique dès que l’automne se pointerait. Et bien non, je suis resté dans ce périmètre fantomatique tout l’hiver en croyant bien que je finirais par foutre un semblant de quelque chose. Bien sûr, j’ai fait quelques trucs ici et là, mais rien pour changer. On baise, on dort, on écrit, on fait de la musique, on se défonce et on se saoule, on mange et on chie et une année disparaît. Quelques grands noms de la chanson, du cinéma et de la politique décèdent pour vous aider à retenir quelques faits marquants, sinon la routine s’installe comme une veuve en manque et continue pour vous rassurer et ne pas trop vous déstabiliser : la guerre, la faim dans le monde, l’argent et l’alcool, la drogue, le réchauffement de la planète.

Ce putain de réchauffement. Le voilà mon problème. Il fait trop chaud et plus ça va et plus ça se détériore…Je vais bientôt être con 365 jours par année à cause de ce réchauffement.

Hier, par exemple, je trimbale ma carcasse rue d’à-côté, dans un petit bar miteux, me disant que j’allais possiblement y trouver une certaine activité capable de stimuler mon cerveau ronflard.

En entrant, à ma gauche, j’y découvre une madone sexagénaire qui fait près de 250 livres en pleine conversation eucharistique avec un homme dont la chevelure est tellement lisse qu’elle reflète parfaitement la publicité enluminée qui est au mur. Deux raclures à mettre au compte de l’assistance sociale. Je me mêle de mes affaires. Leur discussion ne me regarde pas. Je regarde ce qu’il faut regarder.

Bon sang ! C’est qu’elle a les seins tombant la madone. Je devrais peut-être même dire qu’elle a les seins tombés. En passant derrière les deux coudes de la place, j’ai pu constater que la chaleur intense des derniers mois laisse des traces partout et pas que sur moi. La grosse a un gilet dont le blanc est enterré sous un jaune crasseux tandis que le mec ciré empeste le jus de pieds et a les lunettes embuées par son propre facteur humidex. Y’a des mouches. C’est dégueulasse. Je me rends jusqu’au comptoir, croyant avoir tout vu, je regarde la télé. On y joue un film porno. Et c’est du HARD. Le genre de truc anti-chochottes. La dame aux bottes de cuir s’en prend dans tous les orifices. C’est mal filmé. Filmé avec le cul comme j’aime bien le dire. Les éclairages qui vous permettent de voir les boutons de fesses prêts à éclater. La femme en question vient de se raser et son rebrousse-poil est échauffé et rouge sang. C’est vraiment dégueulasse.

Sans trop m’en rendre compte, je laisse aller un « il est où le rose d’antan, m’dame ? » assez fort pour faire tourner la tête de mes deux gus du bout du bar ; je reçois en prime le sourire perdu de Miss seins bas. Est-ce que quelqu’un pourrait enfin montrer à ce petit américain ou à ce français merdeux comment tourner un film de cul qui se respecte ? C’est insoutenable.

Un pote à moi m’avait déjà refilé quelques bobines asiatiques. Du genre plus arty. ‘L’attaque des Lesbiennes Ninjas’ si je ne me trompe pas. Pas de ninjas, pas d’attaque, mais des lesbiennes en bonne et due forme. Les éclairages soignés au possible, les cadrages qui donnent le goût d’y mettre la main, le son ambiophonique – prologique – toute la merde de George Lucas quoi, les sabres laser en moins (j’y comprends rien à tout ces termes techniques et je parle de film de cul, donc la technique, on sait où elle va.) Il y avait donc ces deux femmes de l’Est qui se donnaient un plaisir certain à jouer cette tragédie pornographique ‘Asie, vas-y !’ en me montrant la grandeur de leur talent qui s’étalait du SOFT au HARD et du HARD au SOFT.

Bon, d’accord, la grandeur d’un talent c’est relatif, mais le temps aussi. Je veux dire, si on prend pour exemple les lignes chaudes, j’ai lu quelque part que la durée moyenne d’un appel est d’environ trois minutes. Et pour avoir travailler plusieurs années dans un vidéo club, les films pornos, avec leurs introductions à la con, ne se font pas regarder plus de dix minutes. Autrement dit, le publique cible de ce genre d’ouvrage est satisfait en quelques instants. Du coup, je me dis qu’on devrait donner aux petits branleurs précoces des films un peu moins longs, soit entre quinze à vingt minutes, et faire dans la qualité pour qu’ils sachent au moins baiser de la bonne manière ou enfin, qu’ils aient de vraies raison de s’exciter. Non, mais maintenant vous voyez où je veux en venir. J’étais entré là pour y trouver une certaine activité cérébrale et je me suis retrouvé à faire de la masturbation mentale sans jamais avoir une saloperie d’érection.

Avec tout l’ennui causé par le film, j’avais la fatigue qui me grugeait tous les muscles, dont mon joli petit cerveau qui était encore encombré de quelques bières et d’un surplus de rien-à-chier ; parce que dans ma tête, il devait être quelque chose comme 3 heures du matin tellement la chaleur me tendait l’envie de dormir, de vomir et de chialer.

Je suis sorti du bar pour revenir chez moi, mais j’étais tout simplement un peu trop claqué. Assis sur un bloc de marbre du genre à vous équilibrer les hémorroïdes, j’ai demandé à un quatuor madame monsieur s’il savait quelle heure il était. J’ai obtenu une réponse stéréophonique désynchronisée. Seulement minuit. La nuit était encore un peu trop jeune pour être fatigué.

Je devais me réveiller avant de retourner m’enfermer à mon appartement. Après tout, je n’avais rien trouver de ce pourquoi j’étais sorti plus tôt, excepté les bières.

Je me rends dans une crêperie, Allée des Touristes. Qu’on soit Mardi ou Dimanche, l’endroit fourmille toujours de ces gens plein d’argent qui viennent de partout dans le monde. Aujourd’hui, on est je-sais-pas-quand, mais les fourmis sont plus riches que la dernière fois. Avec mon allure de rien et mon sac à dos de mec qui s’en va, la dame de la porte voit dès mon arrivé que je suis l’homme d’un café et du refill, tout au plus. Ses clients ne m’aimeront pas. C’est que s’ils visent la moyenne des gens du coin en me jugeant, on est dans de beaux draps; je ne vaux rien.

Je vois bien que les touristes font dans la charité juste en me regardant. Les messieurs ont pour la plupart dans la cinquantaine, sont chauves, ont le sourire garnie de belles dents blanches et droites. Ajoutez aussi une de leur fesse qui se remonte sur une pile de billets qui devrait les faire rougir. Les dames sont en générale vers la fin de la vingtaine, avec le monsieur en question pour des raisons de remonte-fesse, elles ont tout de la reine d’un bal de fin d’études; l’habillement, l’allure, la chevelure, les lèvres, les seins et le vide. Quelques enfants aux yeux fatigués par l’heure et la chaleur tiennent le coup dans l’espoir que la soirée se termine au plus tôt ; que leur fausse famille disparaisse au moins le temps d’une nuit. Ça y’est. Je me fais encore chier. Je la vois venir de loin ma petite poésie des bas fonds. J’ai vraiment rien à faire dans cet endroit. Le petit serveur peut se foutre mon réchaud au visage s’il le veut, je m’en vais. Pendant que le gérant de la place ne comprend rien aux demandes de son nouvel arrivant qui cause en ISCH, j’en profite pour m’en aller sans payer. Aimable la dame de la porte, elle me fait un petit clin d’œil. Elle a pu voir la scène au complet et elle rie. J’étais pas le seul à me faire chier dans cette place.

C’est peut-être ennuyant, mais c’est quand même pratique l’Allée des Touristes. Avant de retourner à mon appartement, je m’arrête à un petit dépanneur ouvert toute la nuit et j’en profite pour continuer mon approvisionnement gratuit alors que le vietnamien de service est derrière le comptoir, trop occupé par une petite blonde pas moche du tout qui semble hésiter entre différentes sortes de suçons. Allez, vas-y mec ! En autant que tu me laisses me prendre à déjeuner, moi je ne dirai rien à personne. Je le regarde et je lui fais un clin d’œil ; et je suis presque aussi mignon que la petite dame. Il me montre un sourire de conquérant ; c’est un champion. Jamais annoncés les spéciaux de nuit et je comprend pourquoi. C’est l’heure de rentrer.

Les mouches, elles collent et elles commencent à m’inquiéter. En remontant les marches, j’ai cru remarquer une forte odeur de pourriture au premier et il y avait là un troupeau de mouches dignes des plus grands westerns… enfin, si elles avaient eu des cornes. Laissez tomber, je me comprends.

Trois quarts d’heure après être rentré, j’ai pu en compter au moins une dizaine qui s’étaient faufilées dans mon appartement. L’immeuble a sa petite odeur, mais merde, moi, je me lave. Ça me donne une curieuse impression de fin de race humaine.

Elles s’agrippent à tout ces mouches, semblent ne plus vouloir bouger ou lorsqu’elles ont à le faire, elles volent au ras du sol comme des avions de chasse. Même mon chat se pose des questions ; lui qui a pour passe-temps de les assommer et de s’amuser avec elles en les contrôlant de ses pouces. Ouais, parce que mon chat a des pouces. Vous voyez, y’a pas que la chaleur, y’a toutes ces progressions, métamorphoses et autres transmutations génétiques. Bizarre l’évolution des chromosomes. Ces espèces qui disparaissent chaque jour en échange de nouveaux trucs inconnus.

La semaine dernière, en fouillant un peu dans le journal, après les pages de politique foireuse et les avis de décès, j’ai trouvé un article avec photo qui montrait un chat avec deux visages pour une tête. L’animal est décédé deux jours après la naissance. Et voilà qu’aujourd’hui, une autre photo, un type de Floride, monsieur Horton qui s’appelle, s’exhibe le chaton aux deux visages. Merde, dans quelques temps, elles survivront ces bestioles-là. Alors, si l’évolution c’est ça …j’ai vraiment hâte au jour où je vais pouvoir observer la doublure de l’Univers se ramener le cul sur elle-même.

Je me fais probablement égoïste, mais mon plus grand rêve, c’est de me lever un matin, voir tout ces ploucs courir à droite et à gauche, les entendre implorer leurs dieux à la con alors qu’on vient d’annoncer la pas si triste fin du monde. Ouais, mon rêve, c’est de voir sauter cette petite planète de mon vivant. Je me vois très bien assis sur une chaise pliante sous un ciel orageux qui me verse les derniers psaumes de l’Apocalypse sur la tête, pendant que je souris une dernière fois avant de me faire éjecter de ce confortable et pervers petit siège d’être humain. Ouais, mon rêve c’est de me lever un matin et de voir la Finale. Et la Finale, c’est un parfait chaos.

4 comments:

Unknown said...

punk

Stéphanie Vézina said...

C'est bon!! On en veut plus....

Anonymous said...

J'ai ris, j'ai fait fuck oui! J'y ai entrevue bukowski pis je t'ai reconnu. j'aime ça en criss.
Jim

Anonymous said...

hehe. J'aime bien le personnage de la dame au café. Ça aide a toléré le noir de la chose. Le contraste est comique, moi je me suis attaché.

Aussi au mouches. Mais ça c'est moi ...

C'est de la désillusion comme on l'aime. C'est la suite de quelque chose? Qu'importe, ! C'est bon pareil.

J'accroche un peu sur le bout de l'aide social, comprenant le stéréotype (beaucoup trop vrai et répandu) des parasites du système qui s'enduise de leur crasse, MAIS. C'est chiant pour les 2-3 personnes (au québec) qui se lavent de ses prérequis BSiens.

J'aime bien.