Tuesday, May 10, 2011

 « Je suis homme par mes mains et mes pieds,
mon ventre, mon cœur de viande, mon estomac
dont les nœuds me rejoignent à la putréfaction de la vie. »
-Antonin Artaud, Le Pèse-nerfs

Les Balles Masquées - Deuxième balle
La contamination



Une balle. Juste une Max. Au cas où des soldats tomberaient du ciel pour envahir l’America. Au cas où je me réveillerais peut-être juste un peu trop. Si les médicaments, les pharmaciens, la musique ou le Jäger se sauvaient pour disparaître d’un coup sec. Paf! Et que le temps venu, les brumes dissipées, même le fait de crever ne me ferait plus rien.

Je les aime les odeurs de fin du monde. Ce soir; demain. Quand la lumière est inspirante. Quand je fixe le moment dans une bouteille. Quand la réalité s’embrouille et m’abandonne stupide et aveugle. Quand je m’écris des cartes postales à moi-même pour me donner des nouvelles parce que je sais que je vais oublier. Tout oublier. Oublier les noms, les faces, les faits à grands coups de rien. Ça sent la fin, là, sur la plage ou le toit. Les nuages sont bas, c’est certain, parce que je ne me rendrai jamais si haut; je vais planter avant. Je ne sais même pas où mettre le pied.

Je devrais décrisser. Me raser, fermer ma gueule et partir comme dans les films. Et si jamais j’avais à parler, je pourrais le faire avec des sous-titres. De toute façon, je marmonne déjà bien en masse. Choisissez votre langage, ma face parle d’elle-même!

Pour l’instant, je me pousse dans le nulle-part omniprésent qui souffle sur ce qui me sert de conscience. Je me laisse guider tout droit vers un Je-ne-sais-trop-quoi en me donnant la mort à petits coups. J’ai l’anxiété, l’angoisse et la faiblesse au vif. Je me sens paranoïaque, contaminé par la pensée et le regard de tous les autres bâtards. Un ravage rouge, une vengeance démesurée et sournoise de ma solitude qui entre furieusement à l’intérieur de chacun de mes doutes. Et, pour moi, les doutes, c'est comme les vers d'oreilles Maxou. Ça martèle le cerveau sans cesse, jusqu'à ce qu'on n'en vienne à vouloir s'amputer la tête, ou s’arracher le cœur. Ça y’est, je comprends Van Gogh maintenant!

Il faut être réaliste. Je suis certain que tu l’es. Et si j’étais le moindrement brillant, moi aussi j’aurais opté pour l’autre côté du comptoir. Observer les gens, la société, le monde dans sa globalité. Les marques établies par l’ordre des choses depuis le début de notre temps et déduire quel passage est fait pour nous ou pas. Dans quel trou on saute. Mais même si j’étais certain de tout au départ, plus j’avance, plus je marche d’un pas anxieux et confus.

L’écho de mes premiers pas était sensée me guider et m’aider à avancer ? Elle s’est changer en bruit de fond incongru aux paroles fatalistes. Wow! J’ai quasiment l’air intelligent. Mais c’est avec un maximum de franchise que je t’affirme que je ne me serais jamais cru capable de tenir un discours aussi nihiliste. Ou peut-être pas tant de le tenir que d’y croire.

Ouais, je sais, ça devient lourd. Mais quand je parle de crever, ce n’est que de façon temporaire. Pourquoi ? Je ne le sais pas Max. J’aime le truc intense qui sait comme rien d’autre s’emparer de tous mes sens et me tordre. C’est comme si j’étais un morceau de linge ou probablement un torchon aux yeux de quelques-uns (je dirais bien aux yeux de plusieurs, mais il faut rester honnête. On a tout juste 4 ou 5 électrons qui tournent autour de nous) et qu’une fois bien tordu de toute ma vie, je savais finalement ce que je vaux, ce que je suis et ce que je veux. Ou enfin ce que je crois vouloir. Jusqu’à ce que je me resalisse.

Ce matin, trop saoul, je me suis levé de mon lit et je me suis rendu aux toilettes. Les mains me tremblaient tellement que je n’ai pas osé me toucher la queue pour pisser. Un truc pour que je me branle sans le vouloir. J’ai fixé la baignoire. Comme chaque matin, elle me dévisageait. Un enquêteur trop zélé qui fait de n’importe quel con son suspect numéro un. Un con comme toi Max. Comme toi pis moi. Par contre, la baignoire, elle, me connait depuis longtemps. Moi et elle, c’est une relation peu commune; c’est du durable - pas une arnaque. Un ménage à trois avec mes infidélités existentielles à répétition. Chez moi, c’est un automatisme qui nécessite aucun entretient. Ouais, ce bain-là est une espèce de pont transitoire pour l’éternité que j’aurai mérité. Tu comprends où je veux en venir? Tu peux me le dire si je t’emmerde, ça pourrait me rendre heureux.

Je me suis levé de mon lit et me suis rendu aux toilettes en marchant sur sept années de malheur qui traînaient, éparpillées au sol depuis la veille. On aurait dit que mon reflet s’était foutu de ma gueule en allant éclater un peu partout pour danser sur la tuile industrielle. C’était quand même beau! Presqu’une œuvre d’art; une installation. Tsé comme dans les expositions ? Une chance que Duchamp est mort, il serait jaloux! Jaloux de quoi, je ne le sais pas ! Mais les artistes, ça trouve toujours le moyen de se faire chier avec rien! Moi, on va dire que je suis juste un artisan du quotidien. Je cultive l’art de vivre. Ouais, on va dire…

Hier justement, je me suis dit que mon manège devenait plutôt difficile sur ma petite cervelle. Que de me voir écrasé par la dureté de l’ombre d’une insalubrité mentale ne me convenait pas. Que je devrais cultiver autre chose. Que tout ça prenait de plus en plus de place tout en étant, jour après jour, de moins en moins perspicace.

Alors dans le doute je me suis dit « on reste simple ». Simple d’esprit au pire. Parce que dans le doute, on soupçonne la vérité. Mais, comme l’a dit un certain monsieur Twain, Mark pour ne pas dire son prénom, « la vérité est la chose la plus précieuse que nous possédions. Soyons-en économe ».

On peut donc être mentalement économe et se conter une belle histoire. Commencer demain en demandant à George combien de lapins on aura sur notre ferme, et les clôtures et les hectares et les montagnes de merde qui s’accumuleront et le plaisir fou qu’on aura à s’ancrer les deux pieds dedans, le sourire aux lèvres, la joie innocente de l’existence ramenée à son plus petit dénominateur. Tout ça, dans le pire des cas.

Tu suis toujours le lapin de l’autre côté du miroir Max?

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